« Jacky Dessemme : le petit diable du basket Français Jacques Dessemme est né en 1925 à Bellegarde dans l’Ain. Il est l’avant dernier d’une famille de 6 enfants. Dans sa jeunesse, il aurait préféré jouer au rugby comme ses deux frères ainés mais sa mère, voyant ses deux premiers grands fils amochés après chaque match, l’en dissuada. Heureusement un instituteur, Paul Prandiny, décide vers 1942 de fonder une section Basket-ball au sein du club des Enfants de la Valserine. Un de ses frères Francis y est licencié et attire « Jacky », comme le surnomment ses frères, pour venir pratiquer ce sport dans la salle de gymnastique. Il n’y a pas grand-chose d’autre à faire à ce moment là aussi leur seule occupation consistera en concours d’adresse ou en défis 1 contre 1 ou 2 contre 2 avec ses copains d’alors Robert Guillin, Rino Petit-Jean, son frères Francis et quelques autres (on appellerait ça aujourd’hui le « street ball » ou basket de la rue). Dans le même temps Robert Busnel qui représentait le « petit dauphinois » venait se livrer à quelques conseils. Ceux-ci durent être efficaces puisqu’à l’occasion de matchs d’exhibition de son équipe championne de France du FC Grenoble, il demandera même à Jacky de venir compléter l’équipe contre l’Urania de Genève en particulier. Peut-être envisagera-t-il même de recruter Jacky ou quelques-uns de ses camarades dans son équipe. Il n’en aura par le temps puisque Jacky suivra quelques autres de ses camarades début 1944 dans le maquis du plateau de Hauteville ou il y fera même le coup de feu. A la libération c’est l’armée qui l’appelle : il choisira l’aviation… Muni d’un CAP d’électricien, il en profite pour obtenir son brevet d’opérateur radio tout en obtenant quand même des permissions qui lui permettent d’entretenir sa forme et à l’équipe d’accéder à l’excellence de France. A la sortie de l’armée, il est embauché sur les chantiers de construction du barrage de Génissiat, puis intègre dès 1947 la compagnie EDF comme simple agent. Il y gravira tous les échelons pour devenir chef de district responsable de la maintenance, de l’entretien et du contrôle de la fourniture de l’électricité jusqu’à sa retraite. Les enfants de la Valserine commencent à se faire connaître, bien que, ne recrutant que quelques rares joueurs de l’extérieur comme R. Derancy, G. Ruin, Vildredo ou le suisse Voisin, ils étaient constitués essentiellement d’une même génération de Bellegardiens. Cette génération jouera une douzaine d’années au plus haut niveau (l’excellence ou la Nationale 1). On peut associer ce succès à la passion d’une bande de copains pour ce sport. Sans entraîneur attitré, les entraînements se soldaient par des concours d’adresse, et un apprentissage mutuel et complice fait de défis qui aboutiront à une entente et une technique individuelle, pour les meilleurs d’entre eux, presque parfaite. Il faut rappeler que trois joueurs de Bellegarde R. Derency, R. Guillin et Jacky évidemment, iront aux jeux olympiques. Busnel qui ne l’avait pas oublié, le supervise en France B, le présélectionne pour les jeux de Londres mais ne le retient pas… Il le rappelle cependant après les J.O pour sa première sélection en France A contre la Belgique fin 1948. Il sera sélectionné 80 fois au total entre cette date et 1956. Il aurait certainement pu être le premier joueur à dépasser les 100 sélections s’il n’avait dû se résoudre à refuser certaines sélections à cause de ses occupations professionnelles. Cela ne devint possible que lorsqu’il rencontra Monsieur Lescaret, un haut responsable de l’EDF qui parvint à faire comprendre à ses employeurs de le laisser participer aux rencontres internationales. Il participera aux J.O. d’helsinki en 1952 ainsi qu’à deux championnats du monde en Argentine et au Brésil en 1954, à 3 championnats d’Europe au Caire en 49, à Paris en 51 et à Moscou en 1953. Il y marquera 8.5 points de moyenne avec quelques coups d’éclat comme celui de marquer 55% des points de son équipe (soit 31 points au total contre la Belgique ou encore lors du match à Gènes contre l’Italie ou, dans un vacarme extraordinaire, il réussira les deux lancers-francs qui donneront la victoire d’un seul point à la France. C’est au cours de ce genre d’exploit qu’il reçut le surnom de « petit diable » ce qui montre l’impact qu’il pouvait avoir sur ses adversaires avec le titre de « meilleur ailier Européen » en cette période des années 50. En effet, il avait un jeu spontané basé sur une adresse à mi-distance au dessus de la moyenne, associée à un démarrage puissant en 1 contre 1 en cas de défense à la culotte, ce qui fit dire de la part de Busnel « qu’il était le meilleur joueur de tous les temps » mais que pour le bien de l’équipe, il devait néanmoins écarter « Jacky » de la sélection pour forcer les autres joueurs à prendre leurs responsabilités. Ainsi, bien que pré-sélectionné pour les J .O. de Melbourne en 1956, Busnel ne retiendra pas pour la seconde fois ce diable de joueur, ce qui scella la carrière internationale de notre homme. Sur le plan national, les Enfants de la Valserine firent chuter toutes les meilleures équipes de l’hexagone dans leur salle du boulodrome avec l’aide d’un public fanatique. Et même à l’occasion, leur salle sera suspendue, comme le jour ou ils durent jouer contre l’ASVEL dans une salle neutre à Autun (on ne sait pourquoi !), alors qu’encore menés de trois points à quelques secondes de la fin, mais Jacky se retrouvant sur la ligne des lancers-francs, il réussira le premier et manquera opportunément le second du coté de Guillin pour qu’il puisse se saisir de la balle et égaliser. La conséquence de ce match nul sera d’écarter l’ASVEL de la course au titre 1953 remporté par le Racing. L’équipe de Bellegarde sera demi-finaliste du championnat de France en 1951, deux fois demi-finaliste de la coupe de France en 1954 et 56 mais remportera quand même un titre de champion de France Honneur UFOLEP en 1956. Au niveau individuel, Jacky sera le meilleur marqueur Français du championnat en 1950 et 1953 avec plus de 20 points de moyenne par match. Lorsqu’ils durent abandonner la nationale en 1956 pour retrouver l’excellence, ils manqueront la re-accession deux saisons de suite à chaque fois pour un match « sans » ; Puis, la rupture du tendon d’Achille pour Guillin et une entorse du genou pour Jacky précipiteront l’équipe dans l’anonymat. Evidemment, au cours de sa carrière, il fut approché par un certain nombre de clubs dont l’ASVEL, par l’intermédiaire d’André Buffière, cependant l’emploi d’institutrice de son épouse et la complicité de cette génération douée de Bellegardiens le retiendra au bercail. Par la suite il jouera bien encore avec les anciens… Puis pratiquera le tennis ou les boules ou il se défendra fort honorablement. Il aura 2 garçons qui démontreront leur adresse sur les terrains de basket de la région. Il sera encore conseiller municipal de la ville et président des Enfants de la Valserine pendant une dizaine d’années. Pendant cette période-là, on lui remettra officiellement la médaille d’or de la jeunesse et des sports qu’on lui avait décernée, mais jamais remise, plus de trente ans auparavant ! Il était dit, d’ailleurs, que sa ville ne pouvait l’oublier, puisqu’à l’occasion de la fin de ce vingtième siècle, elle l’honorera comme « le meilleur sportif du siècle » pour ses performances avec l’équipe de France et son équipe des Enfants de la Valserine. Comment deviner dans cet homme élégant et simple qui n’a connu qu’un seul employeur EDF, un seul club EVB et une seule ville Bellegarde, celui qui a parcouru au moins 3 continents, qui fut classé parmi les meilleurs joueurs Européens en son temps : c’est Jacky Dessemme : le petit diable du basket Français. » Extrait de « Basket-Ball en Rhône –Alpes » Albert Demeyer et Robert Dumas |